En marge

Un trentenaire décide d'expier ses mauvaises pensées. Pour ça, il écrit, va au bar et se rend parfois en thérapie. Car après tout, ce qui est dit au cabinet, reste au cabinet.

image_author_Nicky_Deparzki
Par Nicky Deparzki
15 juil. · 7 mn à lire
Partager cet article :

Merci pour votre réservation

“Dans la vie il n'y a pas de solutions ; il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent.” Antoine de Saint-Exupéry

1.

Me voilà donc sur cette terre inconnue qui m'est aussi familière qu'un cours de wolof lu à l'envers par Jean D’Ormesson. Je ne connais rien de ce lieu, rien, et pourtant, c'est sur cette table que je vais poser mes couilles.

J’ai six mois devant moi, ici, après une décennie et quelques, là-bas. 

J’ai réservé un logement via Airbnb. Une chambre, un bureau pour moi. Une cuisine et une salle d’eau sont partagées avec je ne sais qui. Le prix est réglo, le deal semble bon.

Je suis accompagné de deux valises, chacune lourde d’une tonne chacune, remplie à ras bord. Six mois de vie à l’intérieur.

Avant de m'enfuir, j'ai vidé le cache de ma vie, foutu en l'air mes possessions et les quelques trucs qui me collaient un peu aux basques. Adieu Betty, l'appartement, ma PS5, le 13ème arrondissement, la startup nation, la dépression, mon lit, mon bar. Adieu tout, adieu rien ?

On pourrait me croire malheureux de me barrer. Je ne le suis pas, c’est même l’inverse.

Est-ce le déni ? Ai-je baissé les bras au point de fuir ? Peut-être un peu mais pas encore totalement. Je redéfinis mon cadre. Et pour ça, j'ai rompu les amarres. Bien entendu, la peur de tout foutre en l'air et de passer à côté d’à peu près tout continue de squatter un coin de mon crâne.

Pas de panique néanmoins, quelques Lexomil régleront la situation si ça se présente.

Ça tombe bien, je n’en ai absolument pas en ma possession. 

Quand je prends une décision, je m'y tiens. Et celle-ci, je l'ai prise dans tous les 360 sens. 

Je me sens un poil périmé, il y a un temps pour tout. Celui d’attendre je ne sais quoi, de me freiner pour je ne sais quelle raison est terminé.

Alors je me suis cassé, un point c'est tout. 

"Il faut un plan de vie, respecter les règles, ne pas partir sur un coup de tête, faut construire", que j’entendais sur les podcasts que je n’écoutais pourtant pas. 

Ouais, sans doute, z’ont probablement raison. À espérer que tout soit nickel et que Saturne s’empile en 69 avec Jupiter pendant le solstice d'hiver, je n'aurais jamais bougé mon cul.

Il n’est plus l’heure d’attendre un 69, vivons-le.

2.

Après réflexion, je crois. bien avoir été un peu lâche de ne pas bouger avant aussi, faut avouer. Le un petit confort matériel artificiel, la petite routine… il m’arrivait même de prendre parfois du plaisir dans la vie. C’était néanmoins devenu rare et culpabilisant à souhait.

Par chance, l'été dernier, j’ai vu mon oncle. Je ne le connaissais finalement pas tant que ça, mais assez pour lui rendre visite. En un mois et demi de séjour chez lui, loin de tout, à 25h d’avion de chez moi, il est devenu un père spirituel. Il n’aimerait probablement pas que je dise ça de lui, lui, le mec parti à l’autre bout de la planète probablement pour qu’on ne l’emmerde pas trop avec des émotions, mais c’est comme ça que je le considère. Et si ça l’emmerde, j’imagine qu’il apprécie quand même.

Quand j’y pense, on se parle moins en ce moment, ça me manque même si je sais qu’il est toujours là, quelque part, dans les hauteurs de son île.

Avant ce voyage dans le Pacifique sud, j’avais déjà envie de décamper, de tout plaquer. Enfin, tout plaquer, c'est deux grands mots, surtout quand on n'a pas grand-chose niveau possessions. N’empêche, j’ai toujours eu envie de tout plaquer, de ne plus servir un plan de vie établi par un algorithme imposé, l’espace d’un instant, au moins.

Je ne l’ai évidemment jamais fait, par manques de deux choses : la folie et le bon sens.

...